Faux départ, la nouvelle exposition de Maxime Bagni commissariée par Anne-Laure Peressin, investit les sous-sols de POUSH à l’heure où le lieu s'apprête à fermer ses portes. Ce contexte de déménagement imminent devient la matière première d’une fiction immersive, construite sur le motif du départ. Au bout d’un couloir sombre, un espace déserté. Bureau ? Atelier ? Entrepôt ? Les traces d’un occupant anonyme s’y accumulent : un faussaire fasciné par la recréation scrupuleuse d’objets usuels. Ici, tout porte sa signature méticuleuse : il en conserve la forme, mais altère la matière, détourne la substance et en neutralise l’usage. Des crayons à papier sculptés en métal jusqu’aux fragments de sol fracturés puis recomposés dans une logique qui nous échappe. Rien n’est ce qu’il paraît. Et pourtant, rien ne cherche à tromper. L’illusion n’est pas un piège mais une hypothèse. Ces objets, impeccables et inopérants, déplacent le réel vers un double plus concret que l’original : un simulacre¹. Détachés de toute expérience vécue, ils ne renvoient plus à un référent mais à une réalité reconstruite - hyperréelle - où la simulation précède, remplace et finit par dissoudre ce qu’elle représente.
La fiction atteint son point de tension dans la mise en scène du « départ » du faussaire -orchestré par lui-même. Dans l’espace, une paire de jambes noires, démultipliée, court surplace devant une porte fictive. Plus loin, mobiliers désinstallés, fenêtres factices posées sur des chariots, éléments de décor déplacés ou neutralisés. Tout semble prêt à être emporté, mais rien ne quitte les lieux. Ce n’est pas un déménagement. C’est l’ultime simulacre d’un départ : un acte calculé d’évasion où l’absence se fait présence, et la disparition, une mise en scène. Ici, l’œuvre ne se contente pas de reproduire le réel ; elle le subvertit, le déplace, et le fait basculer dans une zone trouble où il n’est plus question de distinguer le vrai du faux.
¹ Jean Baudrillard, Simulacres et Simulation, 1981 : théorie selon laquelle la simulation ne se contente pas de copier le réel, mais produit un simulacre, un double autonome, plus réel que le réel lui-même, qui efface la distinction entre réalité et représentation.
Faux Départ (Fake Departure), the new exhibition by Maxime Bagni, curated by Anne-Laure Peressin, takes over the basement of POUSH just as the venue is about to close its doors. This context of imminent relocation becomes the raw material of an immersive fiction built around the motif of departure. At the end of a dark corridor lies a deserted space. Office? Studio? Storage room? The traces of an anonymous occupant accumulate there: a forger obsessed with the scrupulous recreation of everyday objects. Here, everything bears his meticulous signature — he preserves the form but alters the material, diverts the substance, and neutralizes the function. From pencils sculpted in metal to fragments of floor broken apart and reassembled according to a logic that escapes us. Nothing is what it seems. And yet, nothing seeks to deceive. The illusion is not a trap but a hypothesis. These impeccable yet inoperative objects shift reality toward a double more concrete than the original: a simulacrum¹. Detached from any lived experience, they no longer refer to a real object but to a reconstructed — hyperreal — reality, where simulation precedes, replaces, and ultimately dissolves what it represents.
The fiction reaches its point of tension in the staging of the forger’s own “departure” — orchestrated by himself. In the space, a pair of black legs, multiplied, runs in place before a fictitious door. Further on, disassembled furniture, fake windows placed on carts, displaced or neutralized set pieces. Everything seems ready to be taken away, yet nothing leaves the premises. This is not a move. It is the ultimate simulacrum of a departure — a calculated act of escape where absence becomes presence, and disappearance, a mise en scène. Here, the work does not merely reproduce reality; it subverts it, displaces it, and tilts it into an ambiguous zone where the distinction between truth and falsity ceases to exist.
¹ Jean Baudrillard, Simulacra and Simulation, 1981: a theory asserting that simulation does not merely copy the real, but produces a simulacrum — an autonomous double, more real than reality itself — which erases the distinction between reality and representation.